Quissac un siècle et demi d'histoire moderne
Quissac,Un siècle et demi d'histoire moderne
exposé du 26 avril 2008 présenté par Roger Llorca
Au-delà de ce que vient de dire Jacky Dupont, la fondation de Quissac remonte au Moyen Âge comme en témoigne le quartier de Vièle, avec ses ruelles étroites, ses porches chevauchés par des maisons en pierre, aux portes et fenêtres de petites dimensions pour se protéger du chaud et du froid. Mais il faut attendre le milieu du XIXe siècle et l'essor économique de la vigne, pour que le village se développe, et qu’autour du « Camp Neuf », un deuxième village se constitue avec une architecture bien différente. On lit, sur les linteaux des portes, construits en pierre de Pompignan, les dates de 1858 (maison de Mr Bénat, le kiné, ancienne maison Bassot) et 1864 sur l’ancienne maison Vézinet) .Certaines maisons sont qualifiées de l’appellation de « Maison de Maitre », témoignage d’une relative bonne santé économique.
A la chute du Second Empire, Quissac sort de sa ruralité et prend un essor considérable. Cet essor est dû en grande partie à la construction de la ligne de chemin de fer, inaugurée en 1872. Ce chantier attire de nombreux ouvriers et techniciens. Des constructions nouvelles voient le jour et l'agglomération prend de l'ampleur, notamment le Chemin de Nîmes (Rue du Docteur Rocheblave) et le Chemin d’Anduze (Rue du 11 novembre)
C’est d’ailleurs à cette époque, vers 1870, que des ouvriers espagnols, attirés par l’importante demande de main d’œuvre sur les gros travaux d’infrastructure, viennent en France, suivent les grands chantiers et s’installent définitivement à Quissac, avec leur famille, au début des années 1900. Une partie importante de la population quissacoise du 21ème siècle sera le témoignage de cette immigration…
Le monde agricole a su réagir aux deux fléaux qui se sont abattus sur lui (l'invasion du phylloxéra et l'épidémie qui a décimé les élevages de vers à soie et ruiné la sériciculture). Les vignes infestées et les plantations de mûriers, devenus inutiles, sont arrachées et remplacées par un nouveau vignoble résistant aux parasites. En 1878 Jules Gendre fonde les pépinières qui porteront son nom pendant plus d’un siècle.
L'avènement du XXe siècle est un tournant dans la vie économique de Quissac. Cette économie, renaissante mais fragile, n'est d’ailleurs pas épargnée par la crise viticole de 1907, qui évite de peu la guerre civile.
En 1900, Léonce Mombounoux crée une unité de fabrication de bonneterie. Il fait venir des familles entières de spécialistes, qu'il recrute dans les régions bonnetières de Ganges, Sumène et Sauve.
La réussite de ces deux entreprises gendre et Mombounoux est une bouffée d'oxygène pour l'économie locale et leur notoriété ne va pas tarder à atteindre une renommée mondiale.
En 1906, bien qu'ils soient divisés sur l'opportunité du projet, les Quissacois mettent en chantier la construction de leur nouvelle mairie. Elle est inaugurée en 1908.
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Survient le fléau de la guerre de 14-18 et son cortège de misères ! 55 morts pour la commune et 133 pour l'ensemble du canton, qui compte moins de 4.500 habitants. À tous ces morts, il faut ajouter tous ceux qui reviennent infirmes, gazés ou malades. Tous les hommes valides étant au front, la survie de l'économie est assurée par les femmes, les enfants et les vieillards. Pour perpétuer le souvenir de leur sacrifice, le Monument aux Morts est érigé, grâce à une souscription des habitants de Quissac et de Liouc et il est inauguré le 28 septembre 1920.
Comme un malheur n'arrive jamais seul, l'épidémie de grippe espagnole survient en octobre 1918 et fauche de nombreux habitants de tous âges.
L’entre-deux-guerres 14/18 et 39/45 est une période faste.
Les premières voitures, l’électricité, le téléphone font leur apparition.
La cave coopérative, « la Vigneronne Quissacoise », est construite en1922. Elle compte 150 adhérents pour 600 hectares de vignobles.
Les rues et les places de Quissac, jusqu’alors pavées ou en terre battue, sont goudronnées, de 1926 à 1936. Le dernier quartier qui bénéficie de ce goudronnage est le quartier de Vièle, qui fête l’événement en faisant une fête qui perdurera longtemps. L’événement est illustré par une chanson intitulée : « On a goudronné Vièle » sur l’air de : « Tout va très bien Madame la Marquise ».
Malheureusement aujourd’hui il ne nous reste plus que l’air ! Aucun Quissacois connu ne se rappelle des paroles (à part Pépée, qui ne se souvient que d’un seul couplet!)
1936, ce sont aussi les premiers congés payés, qu’on appellera plus tard les vacances. Bien accueillis par la classe ouvrière, ils ne déclenchent pas les vagues d’immigration que nous connaitrons plus tard.
C’est la période ou le trafic ferroviaire est à son apogée. Huit agents permanents assurent le fonctionnement de la gare. Des files de charrettes, venues de tout le canton et même au-delà, attendent pour être déchargées de leurs barriques de vin, de leurs sacs de céréales et autres produits manufacturés. C’est un va et vient continuel.
Matin et soir, sept jours sur sept, des trains assurent le transport des voyageurs vers Alès, Nîmes et Montpellier. Quissac devient un carrefour ferroviaire.
C’est pendant cette période qu’a lieu la terrible inondation du 27 septembre 1933. Inondation meurtrière, puisqu’ on dénombre quatre victimes à Sauve et une à Quissac (Madame Bourgade).
Mais ce n’est pas la première du siècle. En 1907, les 25, 26 et 27 septembre, une série d’inondations avait ravagée la vallée du Vidourle et tout le Languedoc. Ce ne sera pas la dernière non plus, puisque les 30 septembre, 1er et 4 octobre 1958 le département du Gard sera ravagé par des trombes d’eaux ininterrompues (35 morts pour le département). Dans ce domaine, le 21ème siècle débutera avec un lourd tribut car la crue du 9 septembre 2002 fera une nouvelle victime (Melle Fontaine)
Terminons ce chapitre des calamités naturelles en évoquant l’orage de grêle qui s’abat sur Quissac et ses environs en septembre 1934, à la veille des vendanges. Des grêlons, gros comme des œufs de poule, détruisent la presque totalité de la récolte. Peu de viticulteurs étant assurés c’est une catastrophe et la ruine pour certains.
1939. C’est à nouveau la guerre ! On prend les mêmes et on recommence ! Toutes les forces vives de la nation sont massées aux frontières. Le scenario ne sera pas le même que pour la grande guerre et en quelques mois tout est consommé. La France est envahie, le nord est occupé, le sud, en sursis, le sera en 1942. La plus part des soldats sont faits prisonniers et vont passer plus de 4 ans, retenus en Allemagne. Un détachement de soldats allemands est affecté à Quissac. Pendant plus de deux ans, les bottes des vainqueurs vont raisonner dans les rues et ruelles du village.
En 1940, Quissac accueille plusieurs familles de réfugiés, chassés de l'Est de la France par l'occupant. Certains ne partiront jamais, préférant faire souche sous un ciel plus clément.
1943-1945. La résistance s'organise. De nombreux jeunes sont réfractaires au travail obligatoire en Allemagne (STO), d'autres désertent des chantiers de jeunesse. Ils rejoignent les maquis des Cévennes, notamment celui de Coutach.
À l'aube du 27 août 1944, une colonne de soldats allemands qui cherchent à regagner la vallée du Rhône, est accrochée dans la traversée de Quissac par un groupe de maquisards. Le combat est meurtrier et dure plusieurs heures. Quatre résistants et un ressortissant de Quissac (M. Canitrot) perdent la vie. La colonne barbare sera mise de hors de combat dans l'Ardèche, ou elle sera anéantie.
Au printemps 1945, les prisonniers reviennent à un à un et retrouvent leur foyer.
Pendant la drôle de guerre, en 1941, commencent les travaux d'adduction d'eau du village, programmés depuis 1938.
C'est un énorme chantier, fait à la pioche et à la barre à mine. Toutes les rues sont éventrées et la circulation difficilement praticable. Les travaux pénibles et salissants sont effectués par une cinquantaine d'annamites non payés et mal nourris. Ce sont des soldats démobilisés après l'armistice. L’État, dans l'incapacité de les rapatrier vers leur Indochine natale, les utilise pour des travaux dits « d'utilité publique ». Si la commune était reconnaissante il y a longtemps qu'elle aurait dû baptiser une de ses rues : « rues des Annamites », en hommage à ces esclaves du XXe siècle.
La paix enfin revenue, nous entrons dans la période moderne. L'agriculture se mécanise et petit à petit la traction animale disparaît, ce qui a pour conséquence de précipiter la chute de certains métiers liés à ces modes de traction et au travail manuel, (charron, forgeron, maréchal-ferrant, bourrelier, taillandiers, etc.)
En revanche, la construction mécanique prend son essor.
En 1946-1947, l'équipe locale de football, ou de « fotballe », comme le disent encore les anciens, rejoint l'élite régionale en Division d'Honneur, ce qui nécessite la construction du nouveau stade de la Glacière.
1950-1960 l’ancien groupe scolaire (filles et garçons) datant de 1884) est désaffecté et remplacé par un nouveau groupe construit dans le champ de foire en 1955. L'ancien Groupe sera rasé en 1976 pour laisser la place au foyer communal.
Le collège fait son apparition à Quissac par la création d'une classe de sixième en 1958. C’est incroyable, mais les collégiens devront galérer pendant 32 ans avant que leur collège ne soit construit.
Au fur et à mesure que les classes sont créées, les conditions d'hébergement des élèves deviennent difficiles. Ils sont tour à tour accueillis dans les salles de l'ancienne école (désaffectée pour motif d'insalubrité), dans des salles louées à des bistrots ou des préfabriqués, installés dans la cour du Primaire.
Enfin, en 1990 le collège de Coûtach est inauguré…
Dès la fin de la guerre, dans les années 50, le parc automobile s'agrandit et le transport routier prend le pas sur le transport ferroviaire qui périclite. Le déclin est irréversible et l’exploitation est déficitaire. À partir de 1965 certains tronçons du secteur « Voyageurs » sont supprimés et celui-ci s'arrêtera définitivement en 1970. Quelques trains de marchandises en sursis (trois par semaine) vont encore circuler pendant quelque temps entre Nîmes et Le Vigan et en 1982 tout trafic est arrêté.
Nous subissons une Vague de froid sans précédent en février 1956. Le Vidourle est complètement gelé. Les vignes, les oliviers et de nombreux arbres fruitiers sont détruits.
En 1946, des recherches d'hydrocarbures avaient été entreprises au pied de Coutach. Abandonnées, elles sont reprises en 1966 sans plus de succès.
À partir des années 1960 1970 et jusqu'à la fin du siècle, le village subit des transformations importantes :
-Les constructions de maisons individuelles, inexistantes depuis la fin du XIXe siècle, reprennent. Finies les maisons accolées et mitoyennes. Les nouvelles sont avec jardin privatif, construites en agglo, en brique ou en béton armé. Ce mode de construction donne de l'extension au village par les quartiers de Campredon, Campagne, Route d’Anduze, Voie romaine, la Devéze, etc
-La population augmente sensiblement. La circulation dans le village est saturée. Le problème est résolu par la construction du nouveau pont sur le Vidourle et la déviation des voies.
-La construction des barrages de La Rouvière, Ceyrac et Conquéyrac a pour mission de juguler les crues du Vidourle.
-Le commerce traditionnel commence à être menacé par l’implantation d’une grande surface. Les petites épiceries de quartier sont les premières touchées.
-Le mas du Cros se transforme en clinique. Cette création crée de nombreux emplois, favorise le commerce local, et contribue à la notoriété du village.
-L’usine de bonneterie est délocalisée sur Sauve.
-Quissac s’équipe d’une piscine. Finies les baignades de tradition séculaire dans le Vidourle, pollué par toute sorte de nuisances de la société moderne.
-Création de la crèche, Installation du tout-à-l'égout etc..
Mais on ne fait pas que travailler ! De temps en temps on se repose et l’on se divertit !
On danse au Tivoli, aux Quatre Coins, au quartier de la gare, devant chez Biguioli, en vièle, sur le chemin de Nîmes, à Fonsanges etc.
On ne peut situer exactement l’arrivée du cinématographe, qui doit se situer aux alentours de 1920. Monsieur Sahuquet crée le cinéma « Le Casino » à la Chaussée et est concurrencé pendant quelques années par le « Cinéma de Marseille » installé dans la maison Seyte, au bout de la Rue du Pont. On vient rire avec Charlot, Laurel et Hardy, Buster Keaton et les Cinq Gosses. Les séances sont très longues de 14h à 18h. Avec le cinéma parlant le « Pathé Journal » donne les premières nouvelles et présente les premières Réclames. Les films sont à épisodes et s’étalent sur plusieurs séances.
Et on ne peut parler de l’histoire de Quissac dans cette deuxième partie du vingtième siècle sans évoquer la Fanfare municipale, créée par Felix Brudieu, On lui donne le nom de « L’Echo de Coutach ». Ce sera le titre d’une Marche, que Félix, qui est un excellent musicien, compose et que la Fanfare jouera, dans toutes les manifestations régionales et jusque sur les Ramblas de Barcelonne. Par sa notoriété locale, départementale et régionale, la Fanfare devient l’emblème de Quissac. Son effectif passe très rapidement à une cinquantaine de personnes. Rares sont les Quissacois et notamment les jeunes qui ne font pas un séjour à « la Musique », comme disent les anciens. C’est avec grande fierté qu’ils portent cette resplendissante chemise jaune et cette casquette d’Aviateur !
1961, création du « Club Taurin Lou Simbeu ». Le Docteur Aubert, Jacky Vieljeuf, René Chalier, Pierrot Jalaguier, Georges Rauzier et Max Panafieu en prennent la direction. Les premières courses libres de « Cocardiers » sont organisées dans des « Bou », constituées par des charrettes et des « Clèdes ». Peu à peu les Quissacois se prennent de passion pour la Bouvine et la municipalité construit des arènes métalliques au Serret. De grandes manifestations taurines sont organisées. Les « Aficionados », terme qui n’existe pas encore, ont le plaisir d’accueillir la finale du « Trident d’or » qui est gagnée par la manade de la célèbre « Dame au Chapeau » Fanfone Guillerme.
En plus des spectacles taurins, les arènes servent à de nombreux après midi et soirées de tout type. Quissac a le grand honneur d’accueillir Dalida, la troupe d’El Gallo, des regroupements de fanfares, organisés par Félix Brudieu, des soirées de Galas dont « le Pays du Sourire », etc. Et pas question de se faufiler, car les deux cerbères de l’entrée : « Toinet et Léon » sont intraitables !
Le dramatique accident de l’un de nos concitoyens met un terme final à ce lieu de spectacle pour des problèmes de sécurité. Elles sont désaffectées et ensuite détruites. Mais les murs du Serret garderont longtemps les échos des coups de barrière, salués par des « Carmens » et ceux de la musique de la Fanfare qui faisait tournoyer les jupons de Marlène et de Myriam, sur des airs de valses impériales.
Les Quissacois garderont tout de même « la Fé di Biou », comme l’on dit en Provence, et le 21éme siècle verra encore toutes les manifestations locales, ponctuées de spectacles taurins, soit dans des arènes démontables, soit dans les rues de la ville et même dans le Vidourle !
Voilà en quelques pages, résumée l’évolution de notre village au cours des 150 dernières années.
Nous sommes aujourd’hui dans le 21ème siècle et nous espérons que les nouvelles générations, à leur tour, continueront à écrire l’histoire de notre village et en perpétueront les traditions.
Mais nous n’avons aucune inquiétude à ce sujet !
Roger llorca, membre de L'Association pour la sauvegarde de l'Histoire de Quissac