LE CANAL DISPARU- Jean Pradier
LE CANAL DISPARU
Autrefois les battoirs rythmaient sur tes margelles,
L’on entendait les rires des belles lavandières
Rassemblées tout au long de ton chenal de pierre,
Commentant plaisamment du pays les nouvelles.
Là, elles racontaient, comme au café les hommes,
Les ragots du village quand ils étaient grivois
Et les secrets d’alcôve chuchotés à mi-voix,
En se moquant un peu de tout le monde en somme.
Nous, enfants, attendions, assis sur la Chaussée,
Inclinant sur tes eaux nos tendres têtes blondes,
Pour regarder flotter nos bateaux sur tes ondes,
Bateaux que nous prenions pour de vrais cuirassés.
Après avoir longé la longue promenade,
Au sortir de Quissac, tes eaux couraient soudain
Irriguer richement les prés et les jardins,
Comme un taureau furieux au cours d’une abrivade.
Le canal aujourd’hui a cessé sa carrière,
Pourtant l’on peut entendre, si l’on sait écouter
Les grands coups de battoirs, l’eau claire s’égoutter
Et les rires railleurs des belles lavandières.
Jean Pradier, septembre 2007